Autisme: perturbations de la relation sociale, anomalies de la communication
Les perturbations de la relation sociale se traduisent par des comportements déviants dont l’expression peut varier considérablement d’un sujet à l’autre. Chez les uns, c’est l’apparence d’une indifférence qui domine, parfois accompagnée d’un évitement du contact physique. Chez les autres, ce peut être davantage des réactions excessives d’agrippement, même s’ils présentent indubitablement des déficits dans les capacités de réception et d’expression lesquelles sont à la base de l’interaction.
Dans les premiers mois, les bébés normaux, qu’on appellera neurotypiques démontrent des signes sociaux comme de se tourner en direction de leur mère en entendant sa voix, de lui attraper le doigt, ou de gazouiller en la regardant, contrairement aux enfants autistes. Ces derniers ne se retournent pas lorsqu’ils sont interpelés par leur nom ni ne font de babillage pour attirer l’attention de leurs parents. L’absence ou le retard de langage sera souvent une des premières inquiétudes des parents. Lorsque le langage est suffisamment fonctionnel, la première motivation de la communication pour l’enfant autiste est de donner de l’information (de nombreux détails), sans s’assurer d’avoir créé le contact nécessaire pour que son interlocuteur puisse le suivre (soit de vérifier sa disponibilité, son intérêt et ses connaissances préalables). La maladresse s’observe également par le contenu des conversations qu’il amorce à partir de son intérêt, ne sachant pas comment commencer la discussion (Fraser, Héroux, Plaisance et Pepper, 2015). Inversement, les parents ont parfois l’impression de faire un interrogatoire à leur enfant, lorsqu’ils veulent s’informer d’un évènement, car ils doivent faire un effort constant pour alimenter la discussion. La conversation à plusieurs tours de rôle est en effet très limitée, à moins qu’il ne s’agisse d’un sujet qui l’anime particulièrement. Cette lacune explique, en partie, pourquoi il est plus facile à l’enfant autiste de répondre aux questions fermées (d’allure interrogatoire), car elles lui sont plus claires. Les questions ouvertes lui sont à l’inverse plus difficiles à saisir. Les questions du type « qu’as-tu fait aujourd’hui? » nécessite de se mettre à la place de l’autre pour savoir ce qui est intéressant à partager de sa journée. Souvent ce type de questions reste sans réponse.
Les parents décrivent souvent un manque d’empathie ou une maladresse dans la façon dont leur enfant s’exprime. Démontrer des gestes d’empathie demeure pour ces enfants un défi de taille, puisqu’ils ne savent pas quels gestes poser pour remédier à une situation. Ils sont d’ailleurs moins enclins à partager leurs intérêts et leur plaisir. Le geste de solliciter le parent pour qu’il participe à sa propre activité est le plus souvent absent lui aussi.
Les enfants autistes présentent une atteinte de la communication non verbale. En ce sens le contact visuel est rarement coordonné en respectant les trois temps : l’introduction, le maintien et l’écoute. L’expression gestuelle, comme le pointage du doigt vers un objet ou un aliment convoité, reste pratiquement inexistante pendant des années, et lorsqu’elle apparait, elle est rarement coordonnée avec le regard. Solliciter l’autre pour qu’il regarde dans la même direction que nous se nomme l’initiation (par celui qui pointe) et y répondre (en regardant en direction de l’objet pointé) correspond à ce qu’on appelle l’attention conjointe, aptitude souvent déficitaire chez l’enfant autiste. Chez les neurotypiques, cette forme d’attention se développe et devient de plus en plus coordonnée entre 8 et 18 mois (Triesch, Teuscher, Deák et Carlson, 2006) ; lorsqu’elle est déficitaire, elle constitue un important prédicteur de retard langagier (Murza, Schwartz, Hahs‐Vaughn et Nye, 2016). Frith (1984) avait pu noter, en revanche, que l’enfant autiste peut comprendre des gestes plus instrumentaux, tels que poser un doigt sur les lèvres pour demander le silence. Les gestes descriptifs ou qui accentuent le message continuent toutefois d’être difficiles à saisir, entrainant parfois des malentendus (Fraser et al., 2015). Comprendre les gestes à connotation sociale lui demeure longtemps étrange, comme de regarder quelqu’un lorsqu’on s’adresse à lui ou lui serrer la main pour se présenter ou pour le saluer.
La modulation de l’expression faciale peut se complexifier avec l’âge, mais demeure généralement réduite par rapport aux pairs. Les émotions plus subtiles sont souvent ignorées ou mal décodées. Il arrive enfin parfois que les transformations faciales créées par les émotions que vit autrui les fassent rigoler, puisque ces enfants n’arrivent pas à les interpréter pour y réagir adéquatement.
Les enfants autistes démontrent habituellement un intérêt pour les activités se pratiquant seul ou en petits groupes pendant un temps limité. Ainsi, il n’est pas rare que ces enfants s’amusent avec leurs cousins lors d’une fête familiale et qu’on les retrouve à jouer seul au cours de la soirée pour reprendre leur énergie (Fraser et al., 2015). Les jeux d’équipe sont plus problématiques, car ces enfants se concentrent davantage sur l’application des règles que sur l’aspect relationnel qu’implique ce type d’activité, ce qui dérange rapidement les participants du jeu. De plus, la pauvreté de leur imagination ne fait pas d’eux des partenaires intéressants. En vieillissant, les autistes ne se retrouvent pas nécessairement isolés par choix personnel, puisqu’ils expriment un certain intérêt à se faire des amis et à rencontrer les gens, notamment à l’effet de pouvoir échanger autour de leurs champs d’intérêt. C’est justement parce qu’ils ne savent pas s’y prendre et qu’ils interprètent de manière erronée les situations, ou qu’ils deviennent vite profondément ennuyeux, qu’ils se retrouvent à part des autres et leur frustration est telle qu’ils peuvent développer un « désordre de l’humeur » de type anxieux-dépressif, secondaire à cette problématique. Ils ne sont pas en effet bien outillés pour faire face aux exigences de l’adolescence. Toutefois, ils finissent souvent par lier des liens d’amitié avec d’autres adolescents autistes comme eux.
Les chercheurs ont démontré une amélioration constante des habiletés communicationnelles des enfants malgré un rythme d’évolution plus ou moins rapide. Selon cette recherche, l’amélioration des aptitudes sociales demeure hétérogène avec les années, mais le plus grand changement s’opèrerait autour de 6 ans. La sévérité du TSA des enfants de 2-3 ans ne permet donc pas de prédire leur évolution, puisqu’un bon nombre d’entre eux vont connaitre une amélioration rapide de leurs aptitudes socio-communicatives qui devrait se stabiliser vers 11 ans (Fountain, Winter et Bearman, 2012).
Révisé par Line Gascon, Ph. D.
Neuropsychologue
Directrice générale CENOP
Décembre 2017