Modèles cognitivistes
Le modèle linéaire conçu par Geschwind en 1965 avait en effet été rapidement remis en cause par les théories naissantes des cognitivistes, dont les observations à partir des années 1970, permettaient de différencier plusieurs formes bien particulières de troubles lexiques ne semblant pas pouvoir s’expliquer par un modèle unique.
L’un des premiers à évoquer un modèle pluraliste des difficultés de lecture fut Morton (1969), dont les travaux se poursuivirent avec son collègue Patterson (1980). Leur modèle des logogènes constitua un exemple classique des travaux des cognitivistes, illustrant l’acte de lecture comme la résultante de deux procédures plus ou moins indépendantes et s’assistant mutuellement, chacune ayant son propre seuil d’activation. Les 2 procédures de Morton et Patterson correspondent à 2 voies, par lesquelles un lecteur peut prononcer un même mot écrit. Elles sont identifiées comme « lexicale » et « phonologique », chacune des opérations devant être réalisée selon une succession linéaire. La voie lexicale permet une identification visuelle rapide des mots familiers mais elle est également indispensable à la lecture de mots irréguliers. La voie phonologique s’appuie sur un système de règles permettant la conversion graphèmes – phonèmes. Elle est indispensable à la lecture de non-mots et de mots nouveaux. L’inefficience de l’une ou de l’autre était considérée à l’origine des 2 grandes formes de dyslexie.
Ce modèle fut complexifié quelques années plus tard avec la collaboration de Patterson et Shewell (1987), dont nous reproduisons une adaptation, provenant de l’ouvrage de Grégoire et Piérart (1994).
Ce nouveau modèle introduit les notions aujourd’hui bien connues de procédures d’assemblage et d’adressage. La première (la voie de droite) exige une segmentation de la séquence orthographique, chaque segment étant par la suite mis en correspondance avec des segments phonologiques. Ces derniers sont ensuite assemblés de manière à être articulés. Il s’agit donc de la voie d’assemblage.
La seconde (la voie de gauche) ne serait utilisable que lorsque les mots écrits sont devenus familiers, ce qui leur permet d’être stockés en mémoire, et elle est indispensable pour tout mot « irrégulier », c’est à dire dont la prononciation ne peut s’effectuer seulement à l’aide de la correspondance graphèmes-phonèmes. Une fois reconnus visuellement par la voie d’adressage ces mots accéderaient au système sémantique puis au système permettant de les articuler (grâce à la mémoire tampon phonologique).
Ces premiers cognitivistes tout comme leurs prédécesseurs neuro-anatomistes appuyaient leurs recherches presqu’exclusivement sur des observations cliniques auprès de patients atteints de dyslexies « acquises », généralement à la suite de dommages cérébraux bien circonscrits.
Ultérieurement, d’autres chercheurs tels que Stuart et al. (1988) et Seymour et al. (1989), critiquant le modèle initial de Morton et Patterson tentaient à leur tour de concevoir d’autres schémas dans le but de rendre compte plus spécifiquement des troubles présentés dans le cadre des dyslexies dites développementales.
Seymour (1986) introduit une 3ème voie, la voie sémantique, qui éclaire la nature de certains troubles de lecture où le décodage s’effectue de façon fluide mais sans que l’enfant saisisse vraiment le sens du message écrit, ce qui est souvent le cas chez les hyperlexiques. Inversement, un certain nombre de dyslexiques utilisent préférentiellement cette voie sémantique plutôt que les deux autres, ce qui entraîne chez eux des erreurs de décodage, par anticipation parfois erronée du sens.