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Historique de dysfonction non-verbale

Ce syndrome a été décrit, semble-t-il, pour la première fois par Johnson et Myklebust en 1967, comme une forme particulière de trouble d’apprentissage, nécessitant une approche rééducative très spécifique. Plus tard, Rourke publiait une première étude comparative des profils psychologiques et académiques d’enfants en difficultés d’apprentissage selon qu’ils présentaient des habiletés verbales ou non verbales déficitaires, opposant en quelque sorte dysphasies et SDNV (Rourke et al., 1978). Minskoff, (1980) proposait à son tour un guide pédagogique à l’intention des enseignants en vue de développer des habiletés de communication non verbale chez les élèves présentant « des déficits de perception sociale ».

Par la suite, Rourke (1989, 1995), reprit une étude approfondie de ce syndrome afin d’en déterminer l’étiologie et l’évolution tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Puis, regroupant un certain nombre de pathologies neurologiques, certaines de nature apparemment génétique, cet auteur dressait un tableau des principales forces et des déficits spécifiques que ces problématiques partageaient entre elles ainsi qu’avec les sujets atteints du SDNV. Parmi celles-ci, les syndromes de Williams, Sotos, Turner et Asperger étaient décrits ainsi que des syndromes acquis, par exemple à la suite d’un traitement prophylactique contre la leucémie lymphoblastique.

La similitude entre les caractéristiques de ces diverses populations est attribuée par cet auteur à une atteinte bien spécifique de la substance blanche, dont il expose en détails l’origine probable et les conséquences dans son dernier ouvrage « Syndrome of Non verbal Learning disabilities » (1995).

S’inspirant du modèle de Goldberg et Costa (1981) qui décrit l’implication progressive de l’hémisphère gauche dans la latéralisation fonctionnelle au cours du développement de l’enfant, Rourke suggère que la mise en place des habiletés cognitives et sociales dépendrait quant à elle de la maturation de l’hémisphère droit. Cette dernière s’effectuerait essentiellement à travers une complexification progressive de réseaux composés de substance blanche.

En effet, la communication interhémisphérique est assurée par un faisceau de fibres qui relie les régions similaires des deux hémisphères à travers le corps calleux, permettant d’assurer ainsi les échanges «droite-gauche» de l’information. À l’intérieur de chaque hémisphère, d’autres réseaux de fibres mettraient en relation les différents lobes entre eux assurant les échanges « avant-arrière » de l’information, encore appelés antéro-postérieurs.

Il existe enfin des réseaux ascendants et descendants de communication, reliant le cortex au diencéphale et au bulbe rachidien, ajoutant une troisième composante « haut-bas » (sous-cortico-corticale) au développement de la circuiterie neuronale.

Ces trois réseaux de substance blanche sont constitués d’axones myélinisés qui se développent progressivement à partir du cinquième mois de la vie intra-utérine. Ils s’organisent ensuite rapidement au cours des deux ou trois premières années de vie de l’enfant. La myélinisation jouerait un rôle critique dans l’isolation des neurones et dans la facilitation de la propagation de l’influx nerveux; or l’efficacité du système nerveux serait directement proportionnelle à cette vitesse de propagation. Ainsi une myélinisation inadéquate diminuerait beaucoup le potentiel d’action du système nerveux et affecterait donc grandement l’acquisition des différentes habiletés qui en dépendent. Le cerveau du tout petit serait ainsi très vulnérable aux effets de la malnutrition et/ou de désordres métaboliques ou endocriniens.

Rourke conçoit alors un modèle heuristique explicatif des symptômes que présentent les enfants SDNV, à partir de trois principes : plus la substance blanche est dysfonctionnelle au niveau cérébral et, plus ce syndrome devient évident ; plus tôt le dommage est intervenu dans la vie fœtale, plus ses manifestations sont multiples et bien que l’intégrité de la substance blanche soit nécessaire au développement de chacun des deux hémisphères, les fonctions spécifiques d’intégration intermodale propres à l’hémisphère droit dépendent, beaucoup plus que pour le gauche, du maintien de cette intégrité . Ainsi, à partir du moment où les réseaux de substance blanche seraient affectés à l’intérieur de l’hémisphère droit, le cerveau ne pourrait plus aussi bien gérer les situations ou les événements qui requièrent l’acquisition de nouvelles habiletés cognitives. En comparaison, ces réseaux interviendraient beaucoup moins au niveau de l’hémisphère gauche pour le maintien des acquis, cet hémisphère fonctionnant davantage à travers des routines et des habiletés stéréotypées, propres à son mode de fonctionnement.

Ces trois principes expliqueraient les observations de Rourke, à travers une étude longitudinale de ses patients, à l’effet que les jeunes qui présentent un SDNV auraient plutôt tendance à se détériorer en passant de l’enfance à l’adolescence et de l’adolescence à l’âge adulte, en raison de leurs limitations cognitives et surtout socioémotionnelles.

Avant de décrire les manifestations cognitives et comportementales propres au SDNV, il est intéressant de relever qu’une démarche similaire à celle de Rourke avait été effectuée par d’autres chercheurs. Weintraub et Mesulam (1983), Voeller (1986), Gross-Tsur (1995) et Demarco (1997) ont eux aussi identifié des groupes de sujets présentant un ensemble bien particulier de déficits qu’ils reliaient à une dysfonction de l’hémisphère droit (Right hemisphere deficit syndrome). Il n’est pas sans intérêt de mentionner par contre que des caractéristiques très similaires étaient retrouvées au niveau de l’évaluation de ces patients, indépendamment de la mise en évidence de lésions bien définies dans leur hémisphère droit. Ainsi, alors que les 15 cas de Voeller répondaient tous à une lésion ou une dysfonction hémisphérique droite, on ne retrouvait ni anomalies au Ct Scan, ni antécédents néo-nataux chez les 20 patients de Gross-Tsur. Cette dernière les avait donc diagnostiqués par analogie avec les sujets de Mesulam, de Voeller et de Rourke.

Par Francine Lussier, Ph. D. Neuropsychologue Directrice des activités cliniques et scientifiques au Centre de formation CENOP Inc. Professeure associée au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

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