fbpx

Plan d’intervention à l’école pour un enfant Tourette

Élaboration d’un plan d’intervention à l’école pour un enfant Tourette
Introduction

Depuis plusieurs années on essaie de définir et de décrire les symptômes cliniques du SGT afin de mieux nous outiller sur la plan pharmacologique, psychologie ou éducatif pour intervenir auprès d’eux. Et nous y parvenons à peu près, pour peu qu’on y mette le temps. Pourtant lorsque nous nous retrouvons au camp, par exemple, avec 30 enfants réunis sous la même « étiquette », nous devons reconnaître sans l’ombre d’une hésitation qu’il y a là 30 enfants fort différents. Bien que le diagnostic soit utile à la compréhension de l’ensemble des comportements que présente un enfant, l’évaluation des besoins particuliers de l’enfant est indispensable pour intervenir de manière spécifique auprès de lui, mais on doit aussi tenir compte du milieu scolaire au sein duquel il évolue tout comme il faut pouvoir identifier les ressources qui gravitent autour de lui et qui le singularise au delà de son syndrome de Tourette.

Haut

Le diagnostic

Le diagnostic est certes fort utile pour la compréhension des comportements de l’enfant. Les cas encore nombreux d’adolescents ou de jeunes adultes ou même d’adultes qui ont reçu un diagnostic tardivement expriment leur bien-être, leur soulagement de comprendre enfin leurs comportements qui les avait souvent, contre leur gré, portés au banc de la société. Le diagnostic soulage aussi les parents ou même les enseignants qui avaient tenté de toutes les manières d’aider leur enfant ou leur élève sans succès. Parfois ce diagnostic est difficile à poser parce que le symptômes qui devraient normalement entraîner un tel diagnostic (tics moteurs et vocaux) sont peu évidents ou bien secondaires en regard des autres symptômes associés (voir InfoSGT août 1999). Parfois les tics moteurs sont dits « internes » et ne peuvent être observés (inspiration retenue, contraction abdominale, protrusion de la langue derrière les dents, etc.). Parfois l’enfant peut retenir ses tics en classe aux prix d’une recrudescence de ceux-ci le soir à la maison au retour de l’école. La fluctuation des manifestations suggèrent parfois aux enseignants que l’enfant peut être en contrôle quand il le veut alors que ce n’est pas le cas. Parfois, bien que l’enfant présente toute la panoplie des manifestations associées au SGT, les tics moteurs ou vocaux ne sont pas encore apparus (ils pourraient n’apparaître que plus tard dans le décours de la maladie, entre 2 et 21 ans selon le DSM IV) et le clinicien qui le traite ne parlera que d’une impression diagnostique, ce qui retarde inutilement la mise en place des services correspondant au besoin de l’enfant. Quand le diagnostic n’est pas définitif ou suffisamment confirmé par les observations cliniques, il sera utile de voir si des déficits neuropsychologiques ne démontreraient pas mieux qu’il s’agit vraisemblablement d’une atteinte neurologique qui n’a rien à voir avec les caprices de l’enfant ou de ses parents.

Haut

L’évaluation des besoins spécifiques

Même quand le diagnostic est posé, la présence ou non de symptômes associés et leur description doit nous amener à définir les besoins particuliers de l’enfant pour intervenir de manière spécifique auprès de lui. Celui qui présente surtout des problèmes obsessionnels-compulsifs n’a pas nécessairement les mêmes besoins et les interventions ne sont pas tout à fait les mêmes que chez celui qui présente surtout des comportements explosifs (à moins que ceux-ci ne découlent des premiers), ou qui a un déficit dans ses habiletés sociales ou une hyperactivité avec déficit d’attention ou encore des troubles d’apprentissage, etc. Quelques enfants qui possèdent la panoplie des symptômes représentent un grand défi pour parents et enseignants lors de l’établissement d’un plan d’intervention. D’autres pathologies ou conditions spéciales peuvent aussi se greffer à ce tableau (déficience intellectuelle, Asperger…) et viennent également en compliquer le plan d’intervention. Le traitement pharmacologique lui-même peut avoir des conséquences sur les apprentissages de l’enfant (diminution du sommeil, étourdissements, émoussement cognitif, etc.) ou le traitement optimal n’a pas encore pu être clairement établi et nécessite encore un temps d’implantation.

Pour arriver à définir le meilleur plan d’intervention qui respecte le profil de l’enfant, on doit compter sur plusieurs partenaires. Les parents peuvent être bien placés pour décrire les besoins de leur enfant. Parce qu’ils ont dû assez tôt s’ajuster aux contraintes qu’exigeaient les particularités de leur enfant atteint du SGT, ils ont souvent dû développer des stratégies pour mieux les amener à se plier à telle règle ou pour obtenir tel type de comportement. Les professeurs qui ont bien réussi auprès de l’enfant dans le passé peuvent être consultés pour connaître l’approche qu’ils avaient adopté pour encadrer l’enfant ou pour dépeindre les conditions facilitatrices qui avaient pu permettre une bonne gestion de ses comportements. Le professeur actuel de l’enfant est un observateur de choix pour décrire ce «qui marche» et ce «qui ne marche pas» avec l’enfant dans sa classe. Une bonne évaluation psychologique ou neuropsychologique permettra de connaître les forces de l’enfant, ses limites et ses difficultés cognitives; elle pourra guider le plan d’intervention. Si d’autres professionnels sont impliqués, ils doivent également participer au plan d’intervention.

Haut

Le milieu scolaire et les ressources

Le milieu scolaire est un des facteurs déterminants dans le succès ou l’échec des interventions auprès du jeune qui présente un SGT. En effet, l’école constitue un milieu de vie pour le jeune qui y passe le tiers de son temps qu’il partage avec son milieu familial et ses amis ou ses loisirs. La meilleure garantie de réussite repose le plus souvent sur la qualité de la relation qui s’établira entre les parents de l’enfant et les intervenants scolaires, sur la synergie qu’ils développeront ensembles pour faire évoluer l’enfant. Et ce n’est pas facile car on se retrouve souvent avec un sentiment d’échec ou d’impuissance devant les comportements de l’enfant qui nous pose un grand défi d’éducation. Il est alors tentant de renvoyer sur l’autre la raison de l’échec : pour l’école, les parents ne collaborent pas, exigent trop, surprotègent leur enfant, l’élèvent mal… etc. Pour les parents, le professeur ne sait pas s’y prendre, il est trop ceci ou pas assez cela, l’école veut économiser ou se débarrasser de leur enfant, etc.

Pourtant, l’École, comme le parent, se sent responsable des enfants qui lui sont confiés. Chaque école veut réussir avec ses enfants mais, comme le parent, peut se sentir impuissante ou manquer de ressources pour donner la meilleure qualité d’éducation. Le personnel qui, de son point de vue, a nécessairement tenté de résoudre la problématique avant que la situation ne s’envenime, peut, comme le parent, être épuisé, avoir le sentiment que l’enfant si difficile demande des ressources qu’il ne pense pas détenir. Le conflit s’avive entre les parents qui veulent maintenir l’enfant dans le système régulier et les intervenants à bout de souffle qui, ne sachant plus comment réduire les tensions en classe ou durant les périodes de transition, souhaitent une orientation qu’ils estiment plus appropriées pour cet enfant; quand l’enseignant n’a plus l’impression de faire le travail dans lequel il s’est véritablement engagé (l’enseignement) auprès des autres enfants, occupé qu’il est à ne faire que de la gestion de comportement, il peut être justifié de croire à la nécessité d’une classe spécialisée pour les troubles de comportement; celle-ci peut cependant s’avérer plus néfaste pour les enfants Tourette, bien qu’elle puisse être inévitable voire nécessaire et même utile pour quelques-uns d’entre eux. Rien n’est donc tout à fait blanc ni tout à fait noir; il n’y a pas une seule bonne solution pour l’enfant qui souffre d’un SGT. Chaque cas doit être individuellement et sérieusement étudié.

Comment éviter l’écueil de la frustration et du sentiment de passer à côté des vrais besoins de l’enfant (tant du point de vue de l’école que du point de vue du parent)? Il faut se parler et trouver, si nécessaire, un tiers parti indépendant quand les ponts sont rompus. Le parent doit se rappeler que tout enfant, Tourette ou non, doit apprendre les règles de vie en société; que l’encadrement d’un enfant Tourette peut être essoufflant quand il y a 25 autres enfants à éduquer et à protéger; que l’enseignant doit pouvoir offrir une éducation de qualité aux autres enfants qui y on droit; que des contraintes budgétaires puissent orienter le choix des directeurs. Mais, d’un autre côté, les intervenants scolaires doivent se rappeler que, contre toute apparence, l’enfant Tourette qui manipule et qui provoque souffre d’un problème de contrôle qui s’inscrit dans un désordre neurologique; qu’il faut trouver des solutions originales car un environnement scolaire est rarement conçu en fonction des besoins d’enfants aussi particuliers; qu’ils détiennent probablement plus de ressource qu’ils n’en estiment mais que celles-ci doivent être aménagées différemment; que les parents revendicateurs sont eux-mêmes épuisés, trop souvent sollicités par tous ceux que côtoient leur enfant. Si chacun de ces partenaires, écoles et parents prennent ensembles conscience de tout le défi que constitue l’éducation de l’enfant, ensemble, à partir des ressources disponibles, s’épaulant mutuellement l’un et l’autre, ils construiront un plan d’intervention qui respectera l’enfant tout en considérant ses limites et ses possibilités.

Haut

Par Francine Lussier, Ph. D. Neuropsychologue Directrice des activités cliniques et scientifiques au Centre de formation CENOP Inc. Professeure associée au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

abonnez-vous

à notre infolettre

Merci de répondre à quelques questions