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Fonctionnement intellectuel général en dysphasie

L’intelligence de l’enfant dysphasique est rarement semblable à celle de l’enfant normal à cause de l’accès difficile à la symbolisation, à l’abstraction et à la généralisation. Les processus séquentiels du traitement de l’information sont rarement efficients. Les notions de temps s’acquièrent difficilement. Contrairement au quotient intellectuel qui paraît assez stable dans le temps chez l’enfant normal (Sattler, 1992), les profils obtenus à travers les évaluations régulières (obligatoires aux deux ans chez l’enfant dysphasique pour le maintien des services complémentaires au Québec) sont rarement superposables.

Dans la majeure partie des cas, c’est la différence significative (d’au moins 15 points) entre le quotient verbal et le quotient non verbal au profit du dernier qui confirme le diagnostic clinique de dysphasie, l’opposant en cela à la déficience intellectuelle ; cependant, il n’est pas rare d’observé un affaissement des deux quotients chez l’enfant dysphasique dont la présentation clinique n’a rien à voir avec la déficience intellectuelle. Cet affaissement s’explique généralement parce que plusieurs des items du quotient non verbal comprennent des tâches de motricité fine que les enfants dysphasiques assez souvent dyspraxiques vont échouer. Certains enfants dont la compréhension est sévèrement atteinte ne parviendront pas à comprendre la nature des tâches à exécuter qui requièrent un minimum de consignes même dans des épreuves non verbales. L’examen de plusieurs cas cliniques fait ressortir un profil en « W » particulièrement fréquent chez les petits avec l’utilisation du Weschler Pre Primary Scale of Intelligence-Revised (WPPSI-R) qui témoigne bien de la difficulté particulière qu’entraînent l’exécution des dessins géométriques et la trajectoire des labyrinthes.

Observation de l’enfant

Le langage étant un outil fondamental dans le développement cognitif, l’intelligence n’évolue donc pas de la même façon chez les enfants dysphasiques. Certains d’entre eux, privés du support verbal, ne parviendront jamais à acquérir une forme de pensée suffisamment abstraite, y compris dans des tâches dites non verbales, pour accéder à une forme supérieure de raisonnement et un cursus scolaire qui dépasse celui d’une 4ème ou 5ème année primaires. Les acquisitions scolaires sont par ailleurs largement sollicitées dans les instruments standardisés de mesure intellectuelle. Dans le sous-test Information du WISC-III, certains items font l’objet d’un enseignement systématique à tel niveau scolaire (la composition de l’eau est enseignée après la 6ème année scolaire par exemple); la maîtrise des opérations mathématiques, la connaissance des fractions ou l’utilisation de la règle de trois sont requises dans des items relatifs aux sous-tests de raisonnement mathématique souvent proposés dans les bilans intellectuels (Wisc-III, Standford-Binet, K-ABC). Un enfant qui n’a pas encore atteint ces niveaux scolaires en raison de troubles d’apprentissage inhérents à sa condition neurologique donnera donc des scores nécessairement moins élevés qui refléteront certainement son retard scolaire mais pas nécessairement une limite intellectuelle.

Du fait d’une grande instabilité dans les acquisitions, il est aussi fréquent d’observer une longue série de réussites d’items entrecoupée d’échecs, qui aboutit au même score brut que celui d’un enfant déficient qui aura plafonné très rapidement dans le même sous-test. Il faut le plus souvent adapter l’administration de l’instrument pour le mettre à la portée de l’enfant. Sa première réponse est en effet souvent erronée parce qu’il ne saisit pas ce que l’on attend de lui. Il faudra donc utiliser beaucoup plus d’items de démonstration que ceux permis par les règles d’administration. Quelquefois il sera utile de proposer des choix de réponses à l’enfant pour voir s’il a une idée des réponses possibles ou attendues. Il faudra aussi quelquefois avoir recours à un matériel plus concret ou à des manipulations (en arithmétique par exemple) pour vérifier le raisonnement de l’enfant. Une telle formule d’évaluation n’a pas la prétention de mesurer comme tel le quotient intellectuel car elle est certainement biaisée ; cette pratique a cependant l’avantage de nous indiquer le potentiel de l’enfant, de permettre un diagnostic fin sur les processus qu’il utilise et sur ses compétences plutôt que sur sa performance par rapport à un standard où il est comparé à un enfant du même âge qui n’a aucun problème. Si le QI est requis, on pourra recourir à cette procédure dite testing des limites seulement après une administration standard.

Par Francine Lussier, Ph. D. Neuropsychologue Directrice des activités cliniques et scientifiques au Centre de formation CENOP Inc. Professeure associée au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

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