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Principes de rééducation suggérés

Comme pour l’évaluation directe de la lecture et de l’écriture, la prise en charge rééducative est le plus souvent assumée par les orthophonistes et/ou par les orthopédagogues. Nous référerons donc le lecteur aux ouvrages traitant spécifiquement des méthodes de rééducation et ils sont légion. À titre indicatif, le chapitre d’Estienne (1982) consacré au diagnostic de la dyslexie et à sa rééducation apparaît particulièrement bien documenté. Le lecteur trouvera également toute une section sur son traitement dans l’ouvrage de Anne Van Hout et Françoise Estienne (1994), qui recouvre toutes sortes d’approches, des pédagogiques aux psychothérapeutiques, en passant par les cognitivistes et neurologiques.

Certaines pistes de recherches de nature tant préventive que curative sont également à mentionner telle la découverte qu’une amélioration significative des performances en conscience phonologique mais aussi en lecture a été obtenue par Alexander et ses collaborateurs (1991) en entraînant les sujets à développer une « conscience articulatoire ». Ainsi, amener l’enfant dyslexique à prendre conscience de la position et des mouvements de ses organes bucco-phonatoires (langue, dents et lèvres) dans la production d’un phonème, améliorerait ses capacités métacognitives et son efficience en lecture.

Travaillant auprès d’une clientèle d’enfants québécois francophones de 6 ans, en risque d’éprouver des difficultés spécifiques d’apprentissage de la lecture, Courcy et Béland (sous presse) ont mis sur pied un programme spécifique d’entraînement à la conscience phonologique. Ces enfants ont été pairés à un groupe contrôle présentant des difficultés similaires, de même âge chronologique et de même niveau intellectuel, sur la base d’examens tant psychologiques qu’orthophoniques. Leur groupe expérimental a participé à un programme intensif d’une durée de 10 semaines. Ce dernier comprenait des tâches variées et ludiques, impliquant différentes manipulations qui concernaient à la fois l’unité-syllabe et le phonème (segmentation, fusion, inversion etc…). L’originalité de cette démarche reposait entre autres sur l’utilisation exclusive de non-mots afin de mobiliser toute l’attention des sujets sur les caractéristiques sonores (phonologiques) du matériel verbal qui leur était proposé. De plus, une attention particulière était accordée au contrôle des structures syllabiques des stimuli présentés, pour les rendre très similaires à celles de la langue française (CV, CVCV, CVCCV…).

Comparativement au groupe contrôle, qui est demeuré entièrement stationnaire au plan des habiletés de traitement phonologique, les enfants ayant bénéficié de cette approche ont amélioré de façon très significative leurs capacités de manipuler les sons de la langue. Ils se sont même avérés en mesure d’effectuer, sans aide particulière, une activité d’inversion phonémique qui n’avait jamais été pratiquée dans les séances d’entraînement précédentes.

Ainsi, non seulement les enfants du groupe expérimental dépassèrent-ils rapidement ceux du groupe contrôle dans leur capacité à décoder des non-mots mais leurs habiletés de conscience phonologique pouvaient être considérées en fin de rééducation tout à fait similaires à celles des enfants normaux débutant leur 1ère année. L’étude de Courcy et Béland se poursuit à présent afin d’évaluer quels seront les effets à moyen et long terme d’un tel entraînement sur les compétences ultérieures de ces enfants en lecture.

Le fait d’être neuropsychologues ne nous empêche évidemment pas de considérer pour chaque enfant dyslexique la résonance intime du drame que constitue un échec scolaire, surtout pour un sujet intelligent. Cependant, bien qu’un trouble de la relation maître – élève ou la persistance de graves problèmes familiaux puissent être des facteurs entravant l’apprentissage scolaire, ils ne sauraient être considérés comme responsables d’une dyslexie, telle qu’elle a été présentée dans ce chapitre. Ces conditions ne sauraient être en effet que des conditions aggravantes et non déclenchantes.

Ceci dit, même lorsque tous les facteurs environnementaux apparaissent favorables, le pronostic de rééducation d’un dyslexique semble difficile à établir à partir du simple bilan diagnostic. Les facteurs qui sembleraient les plus prometteurs pourraient être les suivants :

  • Précocité de l’intervention (dès 7 ans, lorsque le trouble se manifeste de façon massive);
  • Fréquence de la rééducation: chaque jour 30 minutes semble préférable à 2 heures, une fois par semaine;
  • Répétitivité des exercices : son but est d’automatiser les productions de l’enfant, pour affecter le plus possible l’énergie sur des activités de raisonnement, de conceptualisation et de mise en place de stratégies associatives compensatoires;
  • Utilisation maximale de modalités multisensorielles: visuelle, auditive, tactile, kinesthésique, pour créer de multiples entréesmnésiques (mémoire contextuelle) et les charger de sens à travers des pictogrammes ou des anecdotes;
  • Renforcement des fonctions préservées chez l’enfant plutôt qu’acharnement systématique à réduire ses déficits.

Ceci dit, nous pensons avec F. Estienne qu’il demeure important d’éviter des traitements qui n’en finissent pas en établissant dès le départ un contrat de durée limitée entre l’enfant et le thérapeute, renouvelable d’un commun accord. Nous l’appuyons également lorsqu’elle souhaite que des études statistiques soient entreprises pour objectiver et comparer les différentes méthodes de rééducation, surtout si les procédures diagnostiques permettent de plus en plus de sélectionner les critères sur lesquels s’appuyer pour constituer des groupes homogènes.

Par Francine Lussier, Ph. D. Neuropsychologue Directrice des activités cliniques et scientifiques au Centre de formation CENOP Inc. Professeure associée au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

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