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Données actuelles chez l’enfant

Dans la lignée des travaux de Frith (1985), des recherches ont été menées par Alegria et ses collaborateurs (1994) afin d’identifier les rôles respectifs des trois stratégies de Frith sur l’apprentissage de l’orthographe au cours de la scolarité de l’enfant. Effectivement, les chercheurs ont pu constater une apparente chronologie dans l’acquisition normale des procédures alphabétique puis orthographique. La première donnerait lieu à l’utilisation de règles de conversion de plus en plus sophistiquées, tandis que la seconde permettrait l’extension en mémoire du lexique orthographique. Cependant, il n’y aurait pas de transition abrupte entre ces 2 stades, les procédures paraissant coexister précocement et se développer en parallèle. Par ailleurs, la proportion relative de mots disposant d’une représentation orthographique par rapport à ceux qui n’en ont pas encore, augmenterait au cours du développement, permettant une amélioration substantielle de l’orthographe lexicale.

De nombreux enfants toutefois manifestent des difficultés particulières à accéder à un lexique orthographique, mais il n’est pas toujours aisé d’identifier l’étiologie du problème. Parfois le trouble peut être mis directement en relation avec un tableau de dyslexie (particulièrement dans sa forme dyséidétique ), mais bien souvent, il apparaît davantage en relation avec un déficit attentionnel, un trouble d’audition centrale ou une faiblesse de la mémoire visuelle (en mémoire de travail et mémoire à long terme ). Il semble aussi fréquemment relié à une absence de stratégies d’anticipation et de vérification chez des enfants présentant une certaine immaturité des conduites d’autorégulation frontale. L’absence de pratique journalière (tant de la lecture que de la dictée) nous apparaît aussi en grande partie responsable du grand nombre de fautes identifiables même dans les productions des étudiants à l’Université.

Par ailleurs, en ce qui concerne plus spécifiquement les dysorthographies associées aux dyslexies, l’analyse des erreurs orthographiques produites par le sujet ne reflète généralement pas de façon rigoureuse les erreurs notées en lecture (les stratégies utilisées sont souvent différentes) pas plus que ces dernières ne permettraient avec certitude de différencier les dyslexiques des mauvais lecteurs en général. C’est du moins ce que pensent un bon nombre des auteurs. De plus, les erreurs produites, tant en situation de lecture que d’écriture, se modifieraient tant au plan qualitatif que quantitatif dans un suivi à long terme de ces enfants.

De façon générale par contre, les troubles de l’orthographe apparaissent au moins aussi sévères, sinon plus que les troubles de lecture chez les sujets dyslexiques. Les auteurs parlent alors de dysorthographie développementale, laquelle résulterait généralement d’une discontinuité entre les procédures alphabétique et orthographique. Dans un grand nombre de cas, les erreurs du sujet proviendraient de l’application d’une stratégie alphabétique souvent inappropriée en particulier pour les mots irréguliers, dont l’enfant ne parvient pas à évoquer les représentations orthographiques. Dans d’autres cas, alors que les mécanismes de lecture semblent s’être bien installés, la persistance des erreurs lexicales dans les productions écrites semble refléter une forme de dysorthographie de surface sans dyslexie adjacente. Ainsi, comme pour les adultes, il est parfois possible de différencier un dysorthographie phonologique d’une dysorthographie lexicale. Cependant, le plus souvent, les erreurs commises se caractérisent plutôt par leur grande diversité et le fait que celles-ci perdurent bien au-delà de la période normale d’apprentissage de ces habiletés, en particulier lorsque le sujet doit tenir compte des contraintes contextuelles dans l’application des règles. Notre pratique nous amène en effet à considérer que la sévérité de certaines problématiques tant en lecture qu’en écriture, justifie entièrement à notre avis un bilan neuropsychologique de toutes les fonctions éventuellement impliquées dans ces apprentissages. Le diagnostic d’une forme de dyslexie ou de dysorthographie requiert donc nécessairement une investigation plus exhaustive qu’une simple analyse d’erreurs. C’est ce que nous traiterons dans la section suivante.

Par Francine Lussier, Ph. D. Neuropsychologue Directrice des activités cliniques et scientifiques au Centre de formation CENOP Inc. Professeure associée au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

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