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Le vrai pouvoir avec les enfants Tourette

Depuis bientôt quinze ans je m’occupe des enfants Tourette parce que j’avais été touchée par la souffrance de la petite Catherine, celle de ses parents et de ses proches qui ne comprenaient pas ce qui se passait. Prise de compassion vis-à-vis leur sentiment d’impuissance, devant les symptômes cliniques du SGT et les autres pathologies qui y sont associés, j’ai senti que ces petits patients avaient besoin qu’on les aide puisque les traitements pharmacologiques étaient souvent insuffisants et le sont toujours. La meilleure manière de les accompagner a été de mieux les connaître, de mieux les comprendre, de mieux faire reconnaître leur différence.

J’ai beaucoup appris en lisant des articles scientifiques, en assistant ou en participant à des congrès, mais surtout en rencontrant mes propres patients et en échangeant avec leurs parents; je les ai davantage compris en vivant avec eux au camp chaque été ou, lors des rencontres aux réunions de l’Association, en partageant avec leurs parents les complaintes qui se font un même écho de leur détresse et de leur épuisement. J’ai surtout réalisé, avec l’énergie qu’ils déploient, combien ils aiment leur enfant et veulent trouver des manières saines de composer avec leur handicap.

Au Québec, cette association est née d’un petit groupe de parents qui, devant l’ignorance de cette maladie, le manque de ressource pour le diagnostic et le traitement, l’absence de services dans les écoles, ont déployé beaucoup d’énergie sans jamais calculer leur temps pour la faire connaître auprès du corps médical d’abord puis auprès des écoles et des CLSC, pour identifier les besoins de leurs enfants et se donner des trucs entre eux pour survivre aux nombreuses frustrations.

Depuis sa fondation, l’Association Québécoise du syndrome de Tourette, avec une implication sans relâche parce que ces parents croient en leurs enfants mais avec des moyens financiers plus que limités a réussi à mieux faire connaître cette maladie jadis ignorée de tous. En effet, ils ont, après quelques années, à force de démarche multiples et avec une poignée de bénévoles, obtenu la maigre subvention de 9 000$/an donnée par l’Office des Personnes Handicapées du Québec, soit un peu moins que le montant qu’il en a coûté pour déplacer chacune des personnes lors du Sommet des Amériques qui a duré 4 jours. J’ai vu ces mêmes parents lutter pour obtenir du soutien, user de créativité pour faire des levées de fond dont les bénéfices ont toujours été inférieurs aux efforts consentis, diversifier leurs services (lignes d’écoute, lieu de rencontre pour les parents et pour les jeunes, camp pour les jeunes, journal, implication sur les tables de concertation, rédaction et envoi de documentation, suivi dans les écoles…). Je leur lève haut la main.

Dernièrement, j’ai participé à une soirée et une journée entièrement organisées par des parents du Saguenay. En dépit du surcroît de tâches qui leur incombe à cause la difficile gestion de la maladie, pour mieux faire connaître le syndrome et habiliter les intervenants de leur région auprès de leurs enfants.

La force de l’association c’est le vrai pouvoir qui peut transformer la réalité souvent morbide de cette condition. Un parent qui demande des services particuliers pour son enfant atteint du SGT est souvent perçu comme un parent surprotecteur; une association qui défend les droits de ces enfants devient une force vive qui peut changer le cours de leur évolution. Ils faut donc les supporter. Malheureusement, beaucoup de parents bénévoles épuisés devant les exigences de cette maladie se font souvent rabroués, accusés d’incompétence parentale et sont à bout de souffle devant les ressources humaines et financières encore insuffisantes. Ils ont besoin que des professionnels les accompagnent dans leur recherche de solution. Il méritent que le gouvernement s’intéressent à cette maladie et développe des services pour leur venir en aide. Quel organisme gouvernemental pourrait survivre et surtout offrir autant de services que ne l’a fait l’association avec si peu de moyen financier. Madame la ministre des finances, je vous invite à vous pencher, ne serait-ce qu’un moment, sur les tourments de ces parents là et vous laisser attendrir par leurs enfants si attachants malgré les inconforts dans lesquels ils nous placent souvent. Si tous les parents d’enfants Tourette et les adultes atteints eux même se tenaient et faisaient une pétition pour sensibiliser la ministre à leur souffrance, ce serait là le vrai pouvoir.

Je vous invite donc, chers lecteurs de cette chronique, à me faire parvenir un mot dans lequel vous pourriez décrire vos besoins. Il vous en coûtera peu de temps et d’énergie. Joignez-y une signature et celle de vos proches, de son médecin, psychologue, enseignants, ainsi que les adresses et numéros de téléphone. Je me ferai un devoir d’acheminer ces requêtes auprès des ministres de la Finance, de la Santé et de l’Éducation, auprès du chef de l’opposition, et auprès des régies régionales pour faire reconnaître les besoins de nos enfants par une allocation plus grande de ressources. Le pouvoir réside aussi dans le nombre de signatures que nous réussirons à obtenir.

Par Francine Lussier, Ph. D. Neuropsychologue Directrice des activités cliniques et scientifiques au Centre de formation CENOP Inc. Professeure associée au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

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