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Évaluation neuropsychologique de la dyscalculie développementale

Il nous reste à aborder l’évaluation de ces enfants qui nous arrivent en consultation parce qu’ils ont de mauvais résultats scolaires surtout en arithmétique associés ou non à des échecs en français.

L’évaluation intellectuelle globale parait toujours essentielle, à moins qu’on ait une bonne idée préalable de l’efficience du sujet. Cette évaluation permet non seulement de jeter un premier regard sur les compétences de l’enfant aux sous-tests mathématiques mais pourra nous donner une information précieuse sur ses capacités linguistiques ainsi que sur la différence possible entre ses compétences verbales et non verbales (ces dernières étant souvent affaissées chez les enfants en difficultés mathématiques). Un profil plus harmonieux mais très inférieur à la moyenne pourrait expliquer les difficultés d’abstraction qu’ils éprouvent en mathématiques.

Des difficultés marquées dans les tâches de langage nous orientent généralement vers des problèmes de compréhension ou d’interprétation des données de l’énoncé ou même de segmentation de l’énoncé. La reprise des énoncés, le temps écoulé avant la réponse et l’utilisation de matériel concret substitué à l’administration standard pourraient nous informer sur la qualité du raisonnement du sujet. Des difficultés marquées dans les tâches non verbales et particulièrement aux sous-tests de Blocs (cubes) ou d’arrangement d’images, permettent également de suspecter un syndrome de dysfonctions non verbales qui s’accompagne presque toujours de difficultés en mathématiques (voir section suivante).

L’évaluation des fonctions attentionnelles est aussi essentielle car la plupart des erreurs en mathématiques proviennent de fautes d’attention. Comme chacun sait, tout le monde fait à un moment ou l’autre ce genre d’erreurs sans éprouver par ailleurs de sérieux problèmes en mathématiques. Les enfants qui souffrent d’inattention sont cependant beaucoup plus susceptibles de multiplier les erreurs en mathématiques. Dans ces conditions, les notes du bulletin en sont très affectées bien que leur raisonnement soit généralement préservé. Il peut donc être utile de rassurer le parent sur les réelles compétences de l’enfant.

Une faiblesse de la mémoire et plus spécialement de la mémoire de travail ainsi que des stratégies mnésiques utilisées peut être la cause de difficultés à bien stocker et consolider les faits arithmétiques ou la séquence des étapes dans les procédures numériques. Des déficits dans les fonctions exécutives, notamment l’impulsivité, la rigidité, l’absence de planification peuvent aussi expliquer quelques erreurs communes en mathématiques.

Lorsque les difficultés en mathématiques apparaissent majeures et qu’elles ne semblent pouvoir s’expliquer par d’autres atteintes plus spécifiques, telles celles du raisonnement verbal et/ou des capacités d’autorégulation frontale, il peut être souhaitable de proposer des tâches nous permettant de mieux cerner la nature des erreurs produites par le sujet. Ainsi la maîtrise des algorithmes et des faits arithmétiques se vérifie facilement par le sous-test de calcul de Woodcock-Johnson; les 3 sous-tests du Stanford-Binet (4ème édition) permettent de différencier les habiletés dans les problèmes raisonnés (quantités), de la manipulation des suites numériques et des équations, reposant plus largement sur des habiletés de traitement numérique de nature séquentielle.

Pour les plus jeunes, le sous-test d’Arithmétique du K-ABC se révèle également précieux pour différencier les difficultés de compréhension des énoncés des simples erreurs attentionnelles. En effet, le support imagé qui accompagne presque toujours les énoncés facilite grandement le traitement sémantique pour les enfants distractibles. La compréhension des règles syntaxiques (deux fois plus, de plus que ou la fraction de l’ensemble) y est par ailleurs nécessaire et son échec apparaît souvent indicateur de difficultés langagières ; par contre peu d’éléments peuvent être utilisés pour repérer un trouble de nature plus non verbale (raisonnement ou organisation visuo-spatiale

Mentionnons enfin que certaines batteries d’évaluation ont été conçues spécialement pour l’identification des dyscalculies sévères de l’adulte comme de l’enfant. La batterie EC 301 a été conçue en 1994 dans le cadre d’un projet «calcul» d’un réseau de recherche clinique de l’Union Européenne. Deloche et son équipe composée de chercheurs français et suisses (1995) en ont proposé une adaptation à l’intention des enfants du premier cycle primaire (niveaux CE 1 et CE 2). Cette batterie constituée de 11 tâches permet de déceler une atteinte spécifique de l’un des mécanismes inclus dans la description de notre modèle. Trois tâches évalueraient la compétence des mécanismes du calcul ou la maîtrise technique du comptage: dénombrement, comptage à rebours et calcul mental oral. Cinq référeraient plus spécialement au traitement numérique à l’intérieur du système verbal, donc s’appuyant largement sur les habiletés de traitement sémantique du sujet: transcodage de nombres en dictée et en lecture, comparaison de deux nombres à l’oral et à l’écrit (en chiffres), enfin résolution de problèmes arithmétiques. Enfin, les trois dernières feraient appel à un traitement numérique à travers le système analogique visuel. Il s’agit des tâches de positionnement d’un nombre sur une échelle analogique, de l’estimation perceptive de quantités et de l’estimation de quantités en contexte.

Les enfants en difficultés attentionnelles devraient plus souvent échouer le premier groupe de tâches, en raison de leur impulsivité et de leurs difficultés de concentration. Le second groupe devrait davantage différencier les sujets ayant une problématique de langage, celle-ci affectant sans doute tout autant leur rendement en lecture-compréhension. Quant au troisième groupe, il nous apparaîtrait discriminatif des enfants qui souffrent d’un syndrome de dysfontions non verbales puisque cette problématique affecte de façon sensible leurs capacités à interpréter les afférences visuelles de nature tant perceptuelle que visuo-spatiale.

Par Francine Lussier, Ph. D. Neuropsychologue Directrice des activités cliniques et scientifiques au Centre de formation CENOP Inc. Professeure associée au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

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